Jeannotisme
Construction vicieuse d’une phrase qui consiste à rompre la logique syntaxique par le rapprochement abusif de certains de ses membres, donnant lieu à des ambiguïtés ou des équivoques burlesques.
Exemple
« Récupère l’ancien fauteuil roulant de mamie qui rouille dans le garage. »
Tel un jeannotisme, les trois montages emmènent le spectateur vers une ambiguïté, un double sens pouvant paraître, à première vue, un peu ridicule.
Au centre du triptyque, le rythme est lent. Une introspection s’installe, La jeune fille, Margaux, semble concentrée, dans sa bulle. Ses gestes simples et répétitifs sont presque symptomatiques des mouvements propres à l’autisme, hypnotiques. Le contexte n’est pas directement dévoilé et ne permet pas de tout de suite localiser l’action. On comprend vite qu’il s’agit d’une institution médicale (en réalité un centre de rééducation physique) mais les blouses blanches et les couleurs pastel du lieu pourraient aussi bien être celles d’un hôpital psychiatrique. Le spectateur doute, se questionne. S’il est assez facile de supposer de quoi il s’agit, l’ambiguïté présente ne laisse que peu de place aux certitudes.
A droite de la première vidéo, un homme fait son entrée. Il traverse l’écran en effectuant des gestes qui pourraient s’apparenter à du tai-chi ou autre art martial. La sorte de danse qu’il réalise devant nous permet de douter de sa santé mentale. Les mouvements s’enchaînent, il tourne sur lui-même, marche à reculons, et jette des coups d’oeil furtifs vers la caméra. C’est en réalité le point de repère qu’il a choisi pour la répétition de son enchaînement. Car Jérôme est pilote de voltige. La chorégraphie qu’il effectue n’est autre que la répétition mentale au sol des figures qu’il réalisera en l’air. L’étendue d’herbe et les montagnes en fond ne laissent pas spécialement présager qu’il s’agit d’un aérodrome. Seule l’apparition de la manche à air donne un indice. Puis l’avion apparaît, les figures se suivent dans l’air comme au sol. Le paysage se renverse. Si le pilote semble rester à l’endroit, son environnement, lui, bascule.
Sur l’écran de gauche, le rythme est plus soutenu. Les visages sont concentrés, l’eau ruisselle sur des corps extrêmement présents. Balancements, rotations, un visage disparaît pour réapparaître ensuite, trempé. Là encore, les lieux et les mouvements ne sont pas immédiatement reconnaissables. Un kayak apparaît, révélant du même coup la nature des mouvements jusque là énigmatiques. L’entraînement à l’esquimautage devient dès lors plus évident. La performance technique se transforme peu à peu en véritable chorégraphie.
La visualisation simultanée des trois montages permet au spectateur de créer des liens entre les différentes situations. Des liens formels mais aussi sémantiques. Certains mouvements des kayakistes pourraient se confondre avec des gestes de rééducation physique. Le centre de rééducation, pourrait s’apparenter à un hôpital psychiatrique duquel aurait pu s’échapper le pilote de voltige. Chacun s’invente ainsi son histoire, choisissant ou non de porter davantage son attention sur l’une ou l’autre des trois séquences. Dans tous les cas, le corps apparaît comme vecteur de l’image donnée, source de jugement et d’interprétation. Ses mouvements, sa façon de se positionner dans l’espace et par rapport à ceux qui l’entourent, ses artifices, sont les indices, parfois trompeurs, de la situation présente et de la condition mentale des protagonistes. Tantôt sensuel, tantôt porteur de handicap, tantôt burlesque, il est le reflet du discours sur les valeurs sociales et de l’évolution des moeurs.